Une gangrène nationale, un peuple à réveiller
Par l’Institut Dessalinien
Haïti ne saigne pas seulement par ses catastrophes naturelles, ses crises politiques ou sa pauvreté chronique. Haïti saigne, plus profondément encore, d’un mal qui ne fait pas de bruit, mais qui détruit tout : la corruption. Ce fléau, enraciné dans les institutions comme dans les pratiques quotidiennes, est devenu la trahison la plus perverse contre la République. Il ne s’agit pas d’un simple vol d’argent public, mais d’un effondrement éthique qui menace jusqu’à l’âme de la nation.
La corruption est cette main invisible qui vole les soins de santé aux enfants, l’éducation aux jeunes, la dignité aux travailleurs, et l’avenir à tout un peuple. Ce n’est pas une erreur administrative. C’est une attaque contre le bien commun. Et c’est pourquoi nous affirmons haut et fort : la corruption est la forme la plus lâche de trahison nationale.
Une violence invisible, mais dévastatrice
En Haïti, la corruption n’est pas l’exception, elle est devenue le système. Du poste le plus élevé de l’État à la plus petite administration communale, tout peut se négocier, tout peut s’acheter : diplômes, jugements, contrats, passeports, votes, et même silence.
Mais ce commerce de la trahison ne détruit pas seulement les finances publiques. Il détruit la confiance. Et sans confiance, il n’y a pas de nation. Il n’y a que des individus défaits, repliés sur eux-mêmes, convaincus qu’aucune règle ne les protège et que tout se paie — même la justice.
La corruption tue plus que les balles. Elle tue lentement : elle tue l’espoir, la foi dans l’avenir, la volonté de bien faire. Elle fait fuir les jeunes, décourage les honnêtes, enrichit les médiocres et élève au sommet les complices du crime économique.
La trahison des élites : un crime contre la République
Il faut oser le dire : le plus grand obstacle au développement d’Haïti, c’est la trahison de ses élites. Celles qui pillent les ressources publiques, qui profitent des failles du système, qui créent des lois pour se protéger au lieu de protéger le peuple. Ces élites n’ont ni vision ni honneur. Elles ont confondu leadership avec pillage.
Chaque dollar détourné est une école non construite. Chaque hôpital fantôme est le produit d’une collusion. Chaque route effondrée est la preuve que des fonds ont disparu. La misère ne tombe pas du ciel : elle est produite par l’indifférence calculée de ceux qui profitent du chaos.
Ces hommes et ces femmes ont oublié que gouverner est un devoir sacré, non une occasion de s’enrichir. Ils ont oublié Dessalines, qui prêchait l’austérité pour les dirigeants et la dignité pour le peuple. Ils ont piétiné le pacte national pour quelques comptes à l’étranger.
Un peuple piégé entre résignation et complicité
Mais il serait trop facile de ne blâmer que ceux d’en haut. Car la corruption se nourrit aussi de nos silences, de nos justifications, de notre passivité. Combien acceptent de payer un pot-de-vin pour accélérer un dossier ? Combien ferment les yeux sur les irrégularités ? Combien élisent encore les voleurs « parce qu’ils donnent quelque chose » ?
Cette normalisation du mal est un poison. Elle installe l’idée que l’honnêteté est naïve, que l’effort ne paie pas, que seule la débrouillardise mène quelque part. Elle détruit la morale collective. Elle détruit la République dans les esprits avant même de la détruire dans les faits.
Si nous ne faisons rien, nous serons tous complices de la chute.
Le combat dessalinien : justice, rigueur, et conscience
L’Institut Dessalinien croit en un réveil. Un réveil national, radical, populaire. Il ne s’agit pas de réformes superficielles, mais d’un changement de cap, d’un sursaut moral, d’un retour aux fondements de la République.
Voici les mesures urgentes à prendre :
1. Institution d’un tribunal spécial de reddition de comptes, indépendant et populaire, avec pouvoir de poursuite et de restitution des biens volés.
2. Confiscation immédiate des avoirs de tout fonctionnaire condamné pour détournement, et leur réaffectation directe aux projets communautaires.
3. Interdiction à vie de toute fonction publique pour les responsables de corruption.
4. Éducation citoyenne dès l’école primaire sur l’éthique publique, la valeur du bien commun et l’histoire des luttes anti-corruption.
5. Création de brigades civiles d’observation administrative, avec droit de signalement, de plainte, et de participation aux audits.
6. Financement public des campagnes électorales, pour briser le lien entre argent sale et pouvoir politique.
Mais au-delà des lois, il faut reconstruire la conscience nationale. Il faut enseigner que servir le peuple est un honneur. Que l’argent mal acquis est une honte. Que voler l’État, c’est voler ses frères. Que la République n’est pas à vendre.
Une nation debout ou un pays effondré
Il n’y a pas de futur possible sans justice. Il n’y a pas de dignité sans responsabilité. Un pays peut avoir des ressources, de la jeunesse, du talent — mais s’il ne punit pas ses corrompus, il reste condamné à l’échec.
Dessalines n’a pas combattu les colons pour que des Haïtiens deviennent les nouveaux oppresseurs de leur peuple. Il n’a pas versé son sang pour qu’on vole la sueur des pauvres. Il a rêvé d’un État juste, fort, moral, patriotique.
La corruption n’est pas une fatalité. Elle est une construction politique. Et ce qui est construit peut être déconstruit.
Il est temps que chaque citoyen devienne un agent de justice. Que chaque voix honnête pèse plus que le silence doré des corrompus. Que la dignité redevienne la première richesse de notre peuple.
« Là où l’argent achète tout, la justice est déjà morte. Et là où la justice meurt, la nation n’a plus de cœur. Lutter contre la corruption, c’est défendre la patrie à mains nues. »
Théodule Paul
Président de l’Institut Dessalinien