200 ANS D’INJUSTICE HISTORIQUE ENVERS HAITI
Haïti, la première nation noire libre du monde, attend toujours justice.
Il y a exactement deux cents ans, en 1825, Haïti fut contrainte, sous la menace militaire, de payer à la France une somme colossale de 150 millions de francs-or en échange d’une reconnaissance de son indépendance, qu’elle avait pourtant déjà conquise au prix de la plus grande des révolutions humaines : l’abolition de l’esclavage par des esclaves eux-mêmes.
Ce que le monde appelle aujourd’hui la « dette de l’indépendance » n’était rien d’autre qu’une rançon. Une extorsion à visage impérial, imposée à un peuple qui avait osé proclamer son droit à la liberté.
Ce 200e anniversaire est l’occasion de rompre le silence. Il est temps que le monde regarde en face cette page d’histoire honteuse.Il est temps que la justice remplace l’oubli.
Un crime économique contre une nation naissante
Lorsque le général Jean-Jacques Dessalines proclama l’indépendance d’Haïti le 1er janvier 1804, il croyait poser les fondations d’un État libre et souverain, fondé sur la justice, l’égalité et la dignité humaine.
Mais vingt et un ans plus tard, l’ancienne puissance coloniale exigea une compensation pour les terres et les esclaves qu’elle avait perdus. Une indemnité scandaleuse, fixée sans négociation réelle, et garantie par la menace d’une expédition militaire française.
Pour payer cette somme, Haïti dut contracter de nouveaux emprunts à des taux exorbitants auprès des banques françaises, puis auprès de prêteurs étrangers. Ce fut une spirale. Ce fut le début de deux siècles de dépendance financière, d’appauvrissement structurel, de fragilité économique chronique.
Ce que cette rançon a coûté à Haïti
Haïti a versé cette dette – et les intérêts qui l’ont accompagnée – pendant plus d’un siècle. En réalité, elle n’a jamais cessé d’en subir les conséquences.
Ce tribut a freiné la construction de l’État. Il a empêché les investissements dans l’éducation, les routes, l’irrigation, la santé. Il a appauvri les campagnes, nourri l’instabilité politique, renforcé la mainmise des élites sur les ressources, et plongé des générations dans la précarité.
Des études récentes estiment que si cette somme – et les intérêts qui en découlent – avaient été investis dans le développement, Haïti serait aujourd’hui l’une des économies les plus solides de la région.
Ce n’est pas une simple hypothèse économique. C’est une réalité cruelle.
Ce n’est pas une dette qui fut payée : c’est l’avenir d’un peuple qui fut volé.
Ce n’est pas de l’histoire ancienne. C’est une urgence morale.
Le monde ne peut pas continuer à se contenter de discours sur les droits humains et l’égalité entre les peuples tout en gardant sous silence un tel acte d’injustice historique.La rançon de 1825 constitue un précédent unique : le seul cas connu dans l’histoire où des esclaves affranchis ont été forcés de payer leurs anciens maîtres pour le prix de leur liberté.
C’est une aberration juridique.C’est une ignominie morale.C’est une tache sur la conscience universelle.
Pourquoi cette dette doit être remboursée aujourd’hui
Il ne s’agit pas uniquement de compensation monétaire.Il s’agit de reconnaissance.Il s’agit de rétablir la vérité.Il s’agit de justice historique.
Rembourser cette dette – ou la compenser par des investissements directs, des réparations symboliques, des programmes de coopération équitable – serait un acte fondateur. Un signal fort envoyé à l’humanité entière : celui que les crimes du passé ne sont pas invisibles, qu’ils ne sont pas éternels, et qu’un autre rapport entre les nations est possible.
Haïti n’est pas pauvre. Elle a été appauvrie.
Durant deux siècles, Haïti a porté seule le fardeau d’une injustice internationale.Pendant que d’autres nations bâtissaient leur prospérité sur des fondations équitables, Haïti était contrainte de construire son avenir sur une dette illégitime.
Ce 200e anniversaire est une opportunité historique.Un appel à la conscience des peuples, des intellectuels, des dirigeants, des institutions internationales.
L’Institut Dessalinien appelle à un sursaut éthique.
Nous lançons un appel solennel :
• Aux États responsables de cette dette, en particulier la France, pour une reconnaissance officielle et une démarche de réparation.• Aux Nations Unies et aux institutions financières internationales, pour ouvrir une enquête historique indépendante et rigoureuse.• Aux peuples du monde, pour faire pression et exiger que justice soit enfin rendue à la première nation noire libre de l’Histoire.
La vérité libère, la justice guérit
Haïti n’est pas un pays brisé : c’est un pays trahi.Ce qu’elle attend du monde aujourd’hui, ce n’est ni pitié ni charité, mais réparation et dignité.Elle n’a pas oublié Dessalines, ni ses idéaux. Elle attend qu’ils soient honorés, non dans les discours, mais dans les actes.
En ce bicentenaire de la rançon de la honte, que le monde choisisse enfin de faire justice.
Institut Dessalinien
Port-au-Prince – Avril 2025