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Éditorial de l’Institut Dessalinien

Un État qui s’arroge des privilèges pendant que ses enfants meurent dans les rues est un État félon

Dans les rues d’Haïti, les enfants tombent. Non pas de fatigue, mais de balles. Non pas de froid, mais de faim. Non pas d’oubli, mais de l’indifférence glaciale d’un pouvoir sans cœur. Et pendant que les familles pleurent dans les quartiers délaissés, pendant que les écoles ferment, que les hôpitaux sont en ruines et que la peur devient une compagne de chaque instant, un Conseil Présidentiel de Transition s’installe dans le confort de ses privilèges, comme si le pays lui appartenait.

Le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), par sa constitution même, portait une mission claire, sacrée, historique : réparer ce qui est brisé, ouvrir un chemin vers une nouvelle légitimité, servir de passerelle entre le chaos et le redressement. Mais un an plus tard, que voyons-nous ? Des fauteuils qui s’échangent, des privilèges qui s’accumulent, des calculs mesquins, des querelles intestines, des postes répartis comme du butin de guerre. Le peuple ? Écarté. La souveraineté ? Méprisée. L’État ? Confisqué.

Ils ont trahi leur mission.La transition, ce n’est pas l’accaparement du pouvoir, c’est la brève mais noble responsabilité de rétablir la dignité républicaine, de préparer un retour à l’ordre démocratique, de mettre l’intérêt collectif au-dessus des intérêts personnels.

Mais qui, parmi eux, comprend vraiment le sens du pouvoir de transition ?

Comprennent-ils que le pouvoir de transition est un devoir temporaire, non un privilège permanent ? Comprennent-ils que ce rôle est un sacrifice de soi pour la reconstruction d’un État au service du peuple, et non un ticket d’entrée dans la jouissance du pouvoir ?

Un an plus tard, tout montre que rien n’a changé, sinon les visages. Les pratiques, elles, restent les mêmes : opacité, mépris, favoritisme, corruption rampante.Plus ça change, plus c’est la même chose.

L’État est devenu un parasite.Un corps qui se nourrit de la souffrance du peuple. Un mécanisme de captation des ressources, de contrôle, d’exclusion. Et pendant ce temps, les enfants meurent. Les familles fuient. Le pays se vide.

Un État qui s’arroge des privilèges pendant que ses enfants meurent est un État félon.Il trahit l’esprit même de la République. Il foule au pied les idéaux dessaliniens. Il inverse les rôles : au lieu de servir le peuple, il le domine. Au lieu de protéger, il punit.

Mais il y a un principe inaltérable :Le peuple est la seule source légitime et souveraine de toute autorité.Aucun décret, aucune commission, aucun conseil ne peut légitimer un pouvoir sourd au cri du peuple.

Il est temps d’exiger un État serviteur.Un État qui vit dans l’humilité de sa mission.Un État qui ne mange pas pendant que ses citoyens jeûnent.Un État qui se dépouille avant de demander un sacrifice au peuple.Un État où chaque fonctionnaire comprend que servir est un devoir sacré, pas une faveur faite à la population.

Et s’ils ne comprennent pas, c’est au peuple de leur rappeler.C’est à nous, collectivement, de détruire cet État mafieux, déguisé en République, où les politiciens se succèdent comme des figurants dans une pièce lugubre, pendant que les fondations du pays s’effondrent

La reconstruction d’Haïti ne se fera pas avec les mêmes logiques, les mêmes figures, les mêmes réflexes.Elle exige une rupture. Un sursaut. Une conscience collective.

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« Le pouvoir ne doit pas s’asseoir là où le peuple s’agenouille pour survivre. Quand l’État se sert au lieu de servir, le peuple doit se lever pour le renverser. »

Théodule PaulPrésident de l’Institut Dessalinien